mardi 17 octobre 2023

3 rue Fontille

 

3 rue Fontille



Mon cher Foulques,
Aujourd’hui, le temps passablement ensoleillé nous gratifie d’un petit 17°C, et en plein soleil bien sûr, ce qui doit allègrement te faire sourire, j’en suis certain. Tu m’as dit, dans ta dernière lettre, qu’il faisait 31°C ces derniers jours, à Djibouti. Qu’il est long d’avoir de tes nouvelles.
Ce matin, vers 11 h 00, j’ai reçu un appel téléphonique. Inutile de tourner autour du pot pour t’en donner la raison. Je vais partir demain matin, pour quelques semaines, à Dontreix. Mon père est mort hier soir.
C’est abrupt, je sais, mais comment pourrais-je l’annoncer autrement ? Je n’éprouve rien, aucune tristesse, aucune gêne non plus. J’ai l’impression que ça ne me fait ni chaud, ni froid, c’est horrible, non ? C’était quand même mon père. J’aurais pu, ou alors j’aurais dû te dire ces quelques mots, enfin te faire part de cette annonce dès le début de ma lettre, mais, je suis désolé, comme je te l’ai dit, je n’éprouve rien, aucune tristesse. Suis-je donc un monstre ? Le même monstre que lui finalement ? Les chiens ne font pas des chats, on ne le sait que trop, et dans ce cas précis, je suis bien le fils de mon père, ça ne fait aucun doute là-dessus.
Comme tu l’as toujours su, je n’ai jamais eu de bonnes relations avec lui surtout depuis qu’il sait pour nous deux, mais je suis son fils unique, je ne peux me soustraire à mes obligations. J’aurais préféré que maman soit encore là, mais ça aussi tu le sais déjà, elle est décédée, il y a maintenant vingt-deux ans. Depuis ce jour-là, j’ai vécu les pires années de ma vie, jusqu’à ce que je quitte la maison de la Creuse, mon père voulant faire de moi « un homme, un vrai ». Mon père n’aimait pas les artistes, des « fantaisistes » selon lui. Il ajoutait que c’était un passe-temps de tapette. Et quand il a su pour moi, il en avait eu confirmation, alors que j’aurais tellement aimé qu’il soit fier de ce que je faisais, de mes œuvres, de moi également mais aussi et surtout, de nous deux.
Je sais aussi que, si tu avais été là, tu m’aurais dissuadé de me rendre chez ce monstre homophobe, mais le fait est que tu es loin d’ici, et si je peux me soustraire aux regards de ces rombières, alors oui, je vais partir. Je dois agir, il le faut ! Je te redonne son adresse pour m’écrire là-bas, 3 rue Fontille.
Jocelyn.

28e roman de F-X David qui aborde cette fois-ci l’écriture épistolaire, pour la troisième fois dans ses romans, en nous faisant parcourir la vie d’un enfant, Jocelyn Sirieix, né en Creuse, en 1961. Jocelyn perd sa mère à 2 ans et est élevé par son père, veuf. Devenu adulte, Jocelyn annonce son homosexualité à son père qui le gifle. Dix années de brouille jusqu’à ce que le père décède. Jocelyn revient à Dontreix, et découvre, dans une correspondance cachée, qui était réellement son père qu’il ne connaissait finalement pas.

  • Éditeur ‏ : ‎ AFNIL (10 septembre 2023)
  • Langue ‏ : ‎ Français
  • Broché ‏ : ‎ 523 pages
  • ISBN-13 ‏ : ‎ 978-2494806092

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

GuS et l'Homicide de la Plage d'Apigné

  GuS & l'Homicide de la plage d'Apigné GuS Tome 4 Je m’étais approché de la voiture, nous avions laissé le corps du jeune homme...